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Le Nouveau Praticien Vét élevages & santé
Volume 15, Numéro 52, 2023
Les virus influenza, au cœur du concept « Une Seule Santé »
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Page(s) | 7 - 7 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/npvelsa/2023022 | |
Publié en ligne | 8 janvier 2024 |
Un virus, des oiseaux et des Hommes

Pierre Bessière
Au xxie siècle, il fait bon d’être un virus, particulièrement d’être un virus influenza A, et encore davantage d’être un virus influenza A aviaire ! Ces derniers n’ont probablement jamais autant circulé à la surface de notre planète qu’aujourd’hui. L’année 2022 a été celle de tous les records, notamment en France, avec des millions d’oiseaux abattus, une filière avicole paralysée, et un coût global dépassant le milliard d’euros.
Ce qui fait la force des virus influenza A est leur incroyable diversité génétique : on dénombre 18 types d’hémagglutinines et 11 types de neuraminidases différents, donnant un nombre de combinaisons HxNy considérable. Pourquoi une telle diversité ? Parce que ces virus sont très bien équipés pour évoluer sur le plan génétique. Leur génome est constitué non pas d’ADN, mais d’ARN, et les enzymes virales qui servent à copier cet ARN sont peu fidèles : on estime qu’elles commettent une erreur – introduisant ainsi une mutation – environ une fois tous les 10 000 nucléotides. Cela peut paraître peu, mais leur génome étant constitué de plus de 13 000 nucléotides et des milliers de milliards de virus pouvant être produits lors d’une infection, des variants viraux apparaissent systématiquement. D’autre part, leur génome est segmenté : il est constitué de 8 segments distincts – un peu comme des chromosomes. Et lorsqu’un même individu est infecté par deux virus différents, ces virus peuvent échanger des segments entre eux, menant à l’émergence de nouveaux sous-types.
La force des virus influenza A est leur incroyable diversité génétique, et avec elle une redoutable capacité d’adaptation.
La conséquence directe de cette variabilité génétique est une forte capacité d’adaptation. L’exemple le plus frappant est peut-être celui de la grippe espagnole, d’autant plus qu’il illustre parfaitement le concept « Une Seule Santé » (One Health). En 1918, un virus influenza aviaire de sous-type H1N1 serait parvenu à infecter un être humain. Il aurait ensuite acquis des mutations le rendant plus à même de se multiplier dans des cellules humaines et d’être efficacement transmissible, causant ensuite une des pires pandémies de notre histoire.
Au cours des décennies suivantes, les descendants de ce H1N1 allaient échanger des segments avec d’autres virus aviaires, mais également porcins, menant à trois autres pandémies : la grippe asiatique, en 1957, où un virus H2N2 a émergé; la grippe de Hong-Kong, en 1968, où un virus H3N2 a émergé; et la grippe dite « porcine » en 2009, avec un nouvel H1N1 pandémique. La grippe espagnole est ainsi surnommée « la mère de toutes les pandémies de grippe ».
Les virus influenza aviaires ont un autre atout dans la manche : la particularité d’évoluer vers des formes dites « hautement pathogènes ». À la suite de l’acquisition de mutation sur leur gène codant pour l’hémagglutinine, ils peuvent devenir capables de se multiplier dans l’intégralité de l’organisme des oiseaux, et non plus uniquement dans les appareils respiratoires et digestifs. Ces virus se transforment alors en redoutables tueurs d’oiseaux, avec des taux de létalité avoisinant parfois les 100 %. Depuis leur émergence, à la fin des années 1990, les virus influenza aviaires hautement pathogènes de sous-type H5Nx sont venus bousculer tout ce que nous pensions savoir sur eux. Cette année, ils ont même réussi à faire évoluer la législation européenne, qui interdisait, sauf cas exceptionnel, la vaccination des oiseaux de production.
Les articles de ce numéro présentent un état de l’art des connaissances actuelles sur les virus influenza aviaires, en faisant un détour vers un autre genre viral, représenté par le virus influenza D, récemment découvert.
© EDP Sciences, 2023
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