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Editorial
Numéro
Le Nouveau Praticien Vét élevages & santé
Volume 15, Numéro 53, 2023
Agroécologie et transition écologique des systèmes d’élevage - 1re partie
Page(s) 5 - 6
DOI https://doi.org/10.1051/npvelsa/2024007
Publié en ligne 17 avril 2024

L’idée d’un dossier spécial sur le thème de la « transition agroécologique des systèmes d’élevage » m’a été soumise par la rédactrice en chef de votre revue Le Nouveau Praticien Vétérinaire élevages & santé fin juin 2023. Cette idée a mûri pendant quelques mois, et se concrétise enfin.

On n’aurait pu rêver meilleur timing ! Les premiers articles étaient à peine rédigés qu’éclatait, courant janvier 2024, ce qui s’avère être l’une des plus importantes crises agricoles dans notre pays, et plus largement en Europe. Initié dans le Sud-Ouest (la maladie hémorragique épizootique étant l’un des multiples éléments déclencheurs), le mouvement de protestation s’est rapidement généralisé à l’ensemble du pays : autoroutes barrées, pneus brûlés, aéroports bloqués, préfectures et bureaux de l’OFB saccagés, convois convergeant vers Paris et menaçant de bloquer le MIN de Rungis. L’ampleur très importante de cette mobilisation a suscité (et suscite encore) d’innombrables réactions. Toutes les rédactions se sont emparées du sujet. L’agriculture et la situation des agriculteurs attiraient enfin l’attention des médias et du grand public. « Enfin », dis-je, même s’il eût été préférable que ce soit dans d’autres circonstances, pour des raisons plus positives.

Les choix que nous ferons auront un impact durable sur la santé des agroécosystèmes, sur la qualité des paysages, sur le climat, sur la nature et la qualité des aliments que nous consommerons, donc sur notre santé et notre bien-être.

On ne compte plus le nombre d’éditoriaux, d’analyses, de débats que cette mobilisation a suscités. Je reproduis ici les titres de quelques articles ou émissions de ces dernières semaines : « La fin d’un modèle d’agriculture submergé par les crises » (Le Monde, 3 février) ; « Agriculture européenne : le mirage productiviste » (RFI, 8 février) ; « Comment dépasser les antagonismes et faire naître l’agriculture de demain ? » (France Culture, 6 février) ; « Plaidoyer pour une transition agroécologique » (Le Monde, 21 février) ; « Crise agricole : une réponse politique mal ciblée? » (The Conversation, 23 février).

Ce ne sont que quelques exemples, mais ils illustrent bien ce qui est au cœur des débats désormais : le type d’agriculture et d’élevage qu’il convient de promouvoir, et les raisons pour lesquelles il est souhaitable de promouvoir certains types d’agriculture et d’élevage plus que d’autres. Les débats sont vifs, les clivages profonds. Comme ils le sont aussi sur les questions d’énergie, de transports, de numérique, etc. Or, comme l’indiquait Philippe Escande dans un éditorial du journal Le Monde le 24 février dernier, « sans consensus social, la transition [de nos systèmes agricole et alimentaire] sera vaine ». Mais parvenir à un consensus sur des sujets aussi éminemment politiques que l’agriculture et l’alimentation (sujets qui ne devraient jamais être dissociés) est une tâche bien difficile…

Si la nécessité de faire évoluer nos systèmes agricoles et alimentaires est un point de vue assez largement partagé, les avis divergent très fortement sur la nature des évolutions à envisager. Il suffit, pour s’en convaincre, d’analyser les réactions aux premières mesures prises par notre gouvernement en réponse aux mouvements de protestation. Cependant, les choix qui sont faits, (ou qui ne sont pas faits) nous engagent fortement, et pour longtemps. Ils auront des impacts durables sur la santé des agroécosystèmes (sols, eaux, plantes, animaux), sur la qualité et l’attractivité des paysages dans lesquels nous vivons, sur le climat, sur la nature et la qualité (sanitaire, nutritionnelle et gustative) des aliments que nous consommerons, sur notre santé et sur notre bien-être. Il est donc important d’éclairer ces choix. C’est bien l’objectif du dossier que nous vous proposons.

Celui-ci sera réparti sur les n° 53 et 54 de la revue.

Les quatre articles du n° 53 apporteront des éclairages sur les questions suivantes : Pourquoi est-il nécessaire et urgent de transformer notre agriculture (notre élevage) et notre alimentation ?

Comment penser et mettre en œuvre cette transformation, selon quels principes (définition de l’agroécologie) ? Est-il possible de concevoir un système alimentaire sain et soutenable, respectueux des humains et des non-humains, procurant à celles et ceux qui nous nourrissent des ressources à la hauteur de leur engagement ? Si oui, à quelles conditions ? Quel accompagnement proposer ?

La transition agroécologique ne se résume pas à la création et à la promotion de nouvelles techniques. Malgré les exemples de réussite et les preuves scientifiques qui s’accumulent, le changement de paradigme qu’elle représente rend sa mise en œuvre difficile. Elle engage une autre façon de penser et d’accompagner le changement qui sera présentée.

Les six premiers articles du n° 54 présenteront quant à eux de façon détaillée les principes à mobiliser pour la transition agroécologique des systèmes d’élevage. L’accent sera mis sur l’un de ces principes (gestion intégrée de la santé animale). Un cadre d’analyse et les leviers disponibles en élevage seront présentés. Quelques exemples en production de monogastriques seront évoqués. L’éventail des leviers d’action pour une gestion intégrée des strongyloses gastro-intestinales en élevage de petits ruminants sera décrit. Enfin, une argumentation montrant que le rumen et son microbiote constituent un levier intéressant pour la gestion intégrée de la santé des ruminants sera proposée. La valorisation des ressources naturelles, l’intégration agriculture-élevage, la recherche de résilience par la diversité seront également traitées. Un dernier article nous permettra de prendre un peu de hauteur, en montrant que la transition agroécologique répond à des enjeux de santé globale.

Je conclurai cet éditorial en reprenant les propos de Hans Herren, directeur du Millenium Institute :

« Le statu quo n’est plus une option. Il est temps d’agir, maintenant. Nous en avons fait la preuve, nous connaissons des solutions, et nous pouvons nous en donner les moyens ».

Le changement, c’est donc maintenant.

Chiche ?


© EDP Sciences, 2024

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